mercredi 2 juin 2010

Au Seigneur tout honneur

J’ai fait mon cours secondaire au privé, là où l’on trouvait encore à l’époque une bonne proportion de prêtres autant comme enseignants que comme animateurs. Mes confrères et moi – l'école n’était pas mixte… – y avons rencontré quelques maîtres, de grands pédagogues érudits qui nous nourrissaient abondamment et nous encourageaient constamment à nous dépasser. Toutefois, il y avait aussi des tortionnaires en manque d’inquisition, des névrosés qui se faisaient réveiller chaque matin par saint Paul, des intégristes qui auraient fait mourir d’envie certains Talibans et, finalement, des vipères qui jouaient à touche-pipi avec leurs admirateurs de la pastorale et qui devaient se caresser lorsque nous confessions nos terribles péchés d’ados.

Bref, j’ai découvert que pour les hommes de Dieu, deux voies s’offrent à eux: soit celle de la sainteté, en propageant la parole d’amour du Christ, soit celle de la papauté, en protégeant l’institution. Le cardinal Ouellet a emprunté la seconde voie.

(D’ailleurs, vous souvenez-vous comment se nommait le personnage du diable, interprété par Yves Jacques, dans Jésus de Montréal? Richard Cardinal!)

Dieu doit parfois trouver avec tristesse que son destin rappelle celui de Pierre Péladeau: créer une entreprise de rien et la voir tant malmenée par ses héritiers…

N’empêche que dans son Ancien Testament, Dieu, Qui n’avait pas lu le serment original de Son contemporain Hippocrate, qui interdisait l’utilisation de pessaires (médicaments qu’on insère dans le vagin) abortifs, ne S’intéresse pas vraiment à l’avortement. Il ne le condamne dans aucun passage.

La Bible affirme vie commence quand Dieu insuffle la vie dans les narines d’Adam (Genèse 2, 7). Ce qui semble exclure tout de go l’embryon ou le fœtus de la définition d’être vivant parce qu’il prend son air du cordon ombilical. Puis, une fois les dix commandements révélés à Moïse, on s’attarde davantage sur la différence entre tuer un individu et enfant non né, car même si celui qui frappe un homme à mort doit être mis à mort (Exode 21, 12), on ne dit rien s’il frappe une femme et tue son enfant:
Lorsque des hommes se battent, et qu'ils heurtent une femme enceinte, s'ils la font accoucher, sans autre accident, le coupable sera passible d'une amende que lui imposera le mari de la femme, et qu'il paiera selon la décision des juges. Mais s'il y a un accident, tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure (Exode 21, 21-25).

Pas de «fœtus pour fœtus»... En revanche, si la femme conçoit un enfant hors des liens sacrés du mariage, on la brûle ou on la lapide, et ce, contrairement à nos amis du sud qui ont la décence de ne pas exécuter une femme enceinte (Deutéronome 22, 21; Lévitique 21, 9; Genèse 38, 24).

Quant à Jésus, dans les Évangiles, ne condamne jamais l’avortement.

De plus, la perspective de l’Église catholique sur l’avortement a évolué depuis 2 000 ans. Entre autres, pour Augustin, l’avortement est péché parce qu’il va contre la seule et unique raison d’avoir des relations sexuelles: faire un bébé. Quant à Thomas d’Aquin, il disait que Dieu donnait une âme au garçon après 40 jours de gestation, et à la fille après 80 jours. Par conséquent, la punition se déclinait selon la présence de l’âme: la sentence était plus sévère si on avortait un garçon à 40 jours qu’une fille à 60.

Plus tard, au XIXe siècle, alors que les sciences exactes et la médecine amorcent leur essor, et que Pie IX invente l’infaillibilité du Pape, la vie devient sacrée dès la conception et il n’y a plus que deux exceptions à l’interdiction de l’avortement : une grossesse ectopique ou un cancer utérin, où l’on pratique l’ablation de l’utérus et du fœtus en même temps.

Bref, on a beaucoup débattu sur l’avortement, mais sans vraiment tenir compte des principales intéressées, comme si tous avaient un avis éclairé sur le sujet. On a qu’à constater les propos récents de Mgr Ouellet sur l’avortement, les filles de 16 ans et le manque de soutien offert aux femmes pour se rendre compte de son ignorance sur le sujet: celle d’un clerc qui n’a que peu de contacts avec la réalité de ses ouailles et celle d’un homme qui n’aura jamais à prendre la décision de rendre un enfant à terme, ou non. Certes le débat sur l’avortement est loin d’être clos, mais les mères doivent se l’approprier, car il leur appartient.

Petite lecture
Saul Friedländer, Pie XII et le IIIe Reich, Paris, Seuil, 2010.

À la veille de sa béatification, qui se fera, heureusement, une fois l’ouverture des archives de son pontificat, il convient de revenir sur les relations du pape Pie XII et des Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Friedländer, qui laisse parler ses sources, pour la plupart allemandes parce qu’il n’a eu que peu accès à celles du Vatican, met en évidence les intérêts communs de l’Église catholique et du régime nazi dans leur lutte contre le bolchevisme. En fait, malgré qu’il sache dès 1942 ce qui arrivait aux Juifs, Pie XII croyait que l’Allemagne victorieuse serait le meilleur rempart contre la montée du communisme. Est-ce que cela en fait un saint?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire