vendredi 15 avril 2011

Une gauche adroite (Wow! Quel jeu de mots!)

J’ai plusieurs points communs avec Pierre Céré, auteur d’Une gauche possible. Changement social et espace démocratique (Montréal, Liber, 2010). Nous venons tous deux de milieux populaires : Céré inhalait la poussière des mines de Rouyn-Noranda ; moi, je humais les parfums de tabac de la Rock City ou de souffre de l’Anglo et j’oyais les douces mélodies du train qui passait de l’autre côté de la rue Prince-Édouard, dans la paroisse Saint-Roch, à Québec. Au secondaire, nous avons tous deux fréquenté l’école privée, subissant parfois les sarcasmes de gosses de riches. Plus tard, nos parcours se sont séparés: alors que je révolutionnais tranquillement à l’université et que j’allongeais mon adolescence, il quittait pour l’Amérique latine faire la révolution, la vraie.



Certes, les propositions de Céré risquent de faire frémir ses anciens compagnons de combat et plusieurs souverainistes purs et durs (qui, à mon avis, portent trop souvent à droite). Il prend une position plus pragmatique. Mais la justice, l’équité et la solidarité demeurent. L’auteur souhaite plus de transparence et de démocratie – particulièrement avec l’instauration d’un mode de scrutin proportionnel évolutif – et moins de dogmes – le projet révolutionnaire classique de gauche étant un échec. Puis, entre autres, il faut développer le transport en commun et la médecine de proximité, instaurer des tarifs d’électricité plus équitables en faisant payer davantage les plus grands consommateurs, etc.

Un dialogue possible ?

Comme Céré, je crois qu’un État plus juste soit possible au Québec. Mais il faut avouer que les choses se sont drôlement bien améliorées depuis 40 ans. Les effets conjoints du capitalisme – je n’utiliserai jamais l’expression «économie de marché» trop politically correct – et de l’État providence. Seuls des idiots veulent revenir au Québec des années 1950.

Peu importe l’issue, il faut absolument se débarrasser de la question nationale qui ne fait qu’ajouter du poids mort dans nos débats.

Puis il faut dialoguer. Pour ce faire, la gauche doit s’affranchir de son lyrisme et de certains de ses dogmes qui, historiquement, n’ont pas donné les résultats les plus heureux.

La droite québécoise, quant à elle, doit arrêter de se calquer sur sa grande sœur américaine, stérile, ignorante, hypocrite et de mauvaise foi. Ce n’est pas en s’alliant avec des fondamentalistes et des créationnistes, en promouvant des idéologies bourgeoises qui mènent à des ploutocraties ou en niant la science que les droitistes montrent qu’ils ont une pensée plus rigoureuse que les autres. De plus, ils se comportent trop souvent comme Statler et Waldorf, les deux vieux qui squattent le balcon du Muppet Show, et qui ne font que verser leur fiel sur le spectacle sans jamais rien apporter de neuf, de constructif ou d’utile.

Petite lecture
Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme? Éthique, politique, société, Paris, Gallimard (Folio essais, 524), 2009.

Les prochaines élections nous incitent à bien discerner les différentes valeurs qui sont sous-entendues dans les divers discours politiques. Mais surtout, elles nous invitent à analyser les déclinaisons du libéralisme. Car tous les partis politiques en place en proposent une version. (Ceux qui voient du socialisme dans cette campagne électorale, voire dans la politique canadienne, ont sérieusement besoin de lunettes ou d’yeux neufs.) Dans son ouvrage, Catherine Audard traite autant des origines du libéralisme (Hume, Mill, Smith et consort) que de ses versions contemporaines (libertarianisme, libéralisme égalitaire rawlsien, communautarisme, etc.) et des défis auxquels il doit faire face aujourd’hui, dont les revendications des minorités. Elle s’attarde même sur la Commission Bouchard-Taylor et l’originalité de ce débat qui fait du Québec une démocratie assez sexy. Il n’est pas nécessaire de l’avoir lu pour voter. Mais vous ne pouvez voter en toute conscience sans l’avoir lu. Faites vite: l’ouvrage a environ 1 000 pages et les élections sont le 2 mai.