jeudi 20 mai 2010

Des barbares arrogants

Le brave et sa douce gravirent vers un champ de bataille éphémère. Sur des tréteaux, des tribuns et des récitants s’échangeaient harangues et rimettes, complaintes et compliments, oraisons et cantiques qui, chacun à sa façon, définissaient la contrée.

Couché sur la pelouse humide de cette froide soirée d’été, retenu au sol par les efforts conjoints de la gravité d’une quelconque herbe malicieuse, il entendit un passage des Oranges sont vertes de Claude Gauvreau: «La censure, c’est la barbarie arrogante».

Le brave s’écria aussitôt: «Barbares arrogants! Hostie que ça ferait un bon nom de blogue!»

Presque un an plus tard, le voici. Et la censure dénoncée devient celle de l’esprit, car nous vivons à une époque où les idées sont bannies.

Cette absence de résistance laisse libre cours aux barbares de toutes sortes qui gagnent en confiance jusqu’à en devenir arrogants.

Les causes de cette barbarie arrogante sont nombreuses. Néanmoins, d’entrée de jeu, j’en souligne une, très importante: l’économisme, cette religion à la mode qui tente d’expliquer l’existence humaine par les mêmes lois que le commerce de la gomme balloune, qui transforme les liens entre les individus en rapports marchands et qui, au nom d’une rationalité bancale, fait table rase des valeurs pour ne laisser que l’utilité, voire la rentabilité. Les clercs de cet intégrisme et leurs nombreuses ouailles, qui les suivent pour la plupart sans même comprendre ni leurs idées, ni leur motivation, occupent beaucoup d’espace dans notre univers. Trop. Je les aurai à l’œil…

Petites lectures
Harry G. Frankfurt, On Bullshit, Princeton University Press, 2005. (De l’art de dire des conneries, 10/18, 2006.)
Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux, 2005.

Le titre français du premier ouvrage est mal choisi, car il y a plus que dire des conneries dans le fait de bullshiter. Il y a aussi, et surtout, les croire! Petite lecture rapide et éclairante à l’ère de l’opinion. Quant au second ouvrage, il devrait être obligatoire pour tout élève qui termine son secondaire. Cette initiation à la pensée critique traite, entre autres, des paralogismes et autres subterfuges, tels que la manipulation statistique et la pseudoscience, utilisés afin de gagner l’adhésion du citoyen moyen. Une ode à la rigueur…